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article sud ouest du 23 octobre 2015

L’opposition dénonce un changement de Plan local d’urbanisme pour des intérêts privés

En plus des hectares pour l’habitation, deux autres sont visés pour du développement économique, juste en face©  P. P.

 

Sur ces hectares aux portes de Cambo-les-Bains, à la sortie de la ville vers Itxassou, paissent des brebis et pousse la discorde. Depuis juillet, l’opposition municipale de Nahi Dugun Herria ( La ville que nous voulons, abertzale de gauche) dénonce un changement d’affectation de ces terres. Sans rentrer dans les détails techniques aux inextricables acronymes, disons qu’une majorité d’élus a validé l’évolution du Plan local d’urbanisme (PLU) pour transformer ces zones réservées à une urbanisation éventuelle, en terrains constructibles. Le bât blesse, comme le soulignait jeudi « Médiabask ».

Concrètement, les propriétaires privés entendent réaliser une opération immobilière sur 4 hectares promis au promoteur Kaufman and Broad. 89 logements pourraient sortir de terre, dont 18 à vocation sociale. Argitxu Hirriart-Urruty s’étonne de « tant de précipitation ». « Nous avons commencé une révision du PLU il y a un an. Pourquoi vouloir accélérer les choses spécialement pour ces terrains. »

Nathalie Aiçaguerre souligne que « d’autres particuliers ont des demandes de modification du PLU ». « Pourquoi l’accorder à ceux-ci, plus qu’aux autres ? »

 

Sous-entendus

La question est lourde de sous entendus, même si aucun des quatre élus du groupe Nahi Dugun Herria ne se hasarde officiellement à parler de « favoritisme ». Ils ne manquent pas de souligner l’identité d’un des propriétaires : Francis Salagoïty. Celui-ci est un proche de Christian Devèze, l’adjoint aux finances, avec qui il partage les commandes de l’Aviron Bayonnais rugby pro (Francis Salagoïty est le président du conseil de surveillance, Christian Devèze, le président du directoire, NDLR).

L’élu camboar s’insurge lorsqu’on met en relation l’évolution envisagée du PLU et son amitié avec Francis Salagoïty . « Il est hors de question de dire que je favorise qui que ce soit dans cette affaire. Ce serait même plutôt l’inverse. » Il affirme avoir plaidé auprès du maire, Vincent Bru, pour « conditionner » la mise en constructibilité de la parcelle à la cession de deux autres hectares, juste en face. « Ce sont les mêmes propriétaires. J’ai poussé pour un projet global et qu’ils acceptent de vendre à bon prix ces mètres carrés à la Communauté de communes d’Errobi, pour des projets économiques. »

 

Deux agriculteurs

Christian Devèze relève qu’« on ne parle pas de l’autre propriétaire des terrains », Raoul Colbert. Celui qui dirige la clinique Les terrasses de Cambo est aussi un « ami ». « Mais c’est le nom de Salagoïty qui semble retenir l’attention. » Et d’y voir une crispation particulière sur une personnalité.

Les élus détracteurs restent perplexes au sujet des deux hectares à vocation économique. Argitxu Hirriart-Urruty est élue d’Errobi : « Je peux vous dire qu’il n’y a aucun projet pour ces 2 hectares. » Sans emploi immédiat, ce type d’opération permet souvent des réserves foncières pour de futures réalisations. L’Établissement public du foncier local (EPFL) pourrait s’en rendre maître pour la collectivité. « Il faut savoir que la Communauté de communes dispose encore de grands lots disponibles sur la zone d’activité Pelenborda, à Larressore », balaie-t-elle.

Autre élu d’opposition, Pantxo Michelena conteste aussi la nécessité de logements nouveaux. « J’ai encore regardé sur Le Bon Coin cet après-midi, vous avez 140 annonces de logements à vendre. » Les élus abertzale voudraient voir revenir les terres à leur ancienne vocation agricole. « Il y a deux agriculteurs qui les exploitent aujourd’hui. Dont un qui est en cours d’installation à la suite de ses parents. C’est leur outil de travail. »

 

Six abstentions

« C’est une question de droit privé, entre les propriétaires et les agriculteurs », estime Vincent Bru. Il rappelle que les fameuses terres agricoles sont devenues à urbanisation différée (par modification du PLU, donc) en 2009. « Ce n’est pas un projet qui tombe du ciel ou précipité comme l’opposition veut bien le dire. Tout le monde, dont les agriculteurs, savait que ces terres ne seraient pas toujours agricoles. » À l’époque, toutefois, le sous-préfet avait recommandé qu’elles le restent, ou qu’elles soient conservées en zone naturelle.

Christian Devèze rappelle que la délibération tant discutée, mais finalement adoptée, est « une proposition qui doit être visée par les services de l’État ». Les quatre opposants avaient voté contre le texte. L’abstention de six élus de la majorité dénote peut-être d’un certain embarras.